THE
INTRIGUING STORY OF GEORGE MEINAS
Traduction
de G. Delerm avec l'aimable autorisation de l'International Hydrofoil
Society
L’histoire
rocambolesque de George Meinas
dernière
mise à jour 15 mai 1999
Maintenant
que la guerre froide est terminée et que les Russes sont considérés
comme des associés dans le cadre de l'OTAN, on peut raconter l’histoire
de cet intéressant personnage. Cette aventure a pour toile
de fond des intrigues internationales concernant des intérêts
militaires et commerciaux. Le « héros » de cette intrigue
est un homme qui se nomme George Meinas. George a été formé
à l'espionnage par l'armée allemande avant la deuxième
guerre mondiale. Cependant, le déroulement de la guerre fut tel
qu’il y eut besoin de plus de combattants que d’agents secrets. En
conséquence Meinas fut affecté au front russe. Alors que
les Russes commençaient à avancer sur l'armée allemande,
George fut sérieusement blessé et renvoyé en convalescence
en Allemagne. En raison de ses blessures, il fut désormais déclaré
inapte au service. Il chercha un emploi approprié à cette
période de guerre et alla travailler pour le chantier naval de Sachsenberg
dans Dessau-Rosslau (Allemagne). C'était l’organisme chargé
de développer les bateaux à hydrofoils de von Schertel pour
la marine allemande. George ayant été sévèrement
blessé, il n'était pas complètement rétabli,
et était considéré en incapacité partielle
et provisoire. Comme tel il fut affecté au bureau d’études
en tant que rapporteur technique. George Meinas était à
ce poste lorsque les VS-6 (le mouilleur de mines à hydrofoils) et
les VS-8 (les tankers à hydrofoils), furent construits et essayés.
À la fin de la deuxième guerre mondiale, le chantier naval
de Sachsenberg se trouva être dans la zone russe de l'Allemagne.
Certains éléments du personnel chargés de l’étude
des hydrofoils furent maintenus au travail par les Russes sur leur programme
sur les hydrofoils. George Meinas s’échappa vers Berlin-Est mais
fut repris et envoyé dans un camp près de Léningrad.
Dans ce camp, les Russes poursuivaient des programmes de recherche sur
les hydrofoils et l’hydrodynamisme.
A cette époque
les Russes rédigèrent un manuel sur la réalisation
des hydrofoils. George n'était pas un des acteurs principaux de
ces études, mais était bien informé des réalisations
et des essais sur les prototypes d’hydrofoils. Après une préparation
et une organisation soigneuse, George Meinas et sa famille s’échappèrent
du camp russe et arrivèrent en Allemagne Fédérale
apportant avec lui le manuel russe. N’ayant ni maison ni meubles, on lui
accorda le statut de réfugié et il partit au Chili.
Au Chili il fit la connaissance de Helmut Kock. George Meinas et Helmut
Kock collaborèrent en utilisant les connaissances personnelles de
Meinas et le matériel qu'il avait en sa possession. Avec ces
informations et les possibilités de construction nautique d’Helmut,
plusieurs modèles réduits d’hydrofoils furent réalisés
et essayés. Cependant, comme c’est le cas pour la plupart des projets
d’hydrofoils, Meinas avait besoin d’argent pour soutenir leur effort de
développement. Parmi leurs actifs, il y avait le manuel russe de
réalisation des hydrofoils. C’est ce manuel qu'il a tenté
de vendre à la marine des USA. A cette époque, en 1953, la
marine travaillait à l’évaluation de l’efficacité
du concept d’hydrofoil. Sollicitée, la marine répondit qu’elle
était intéressée par le manuel. Mais la question
était de savoir quelle était la valeur d’un tel document.
Pour répondre à cette question, le contenu du manuel devait
être connu. George Meinas, fort de son expérience acquise
par les essais négocia la vente du manuel aux Etats-Unis comme suit
:
Il refusa
de prêter le manuel pour l'évaluation. Lors des négociations,
son secrétaire et lui-même furent invités à
un déjeuner dans un hôtel chilien. Il fut prié
d'apporter le manuel avec lui pour le montrer. Le déjeuner devait
être suivi d’une réunion dans une salle de l'hôtel où
le manuel serait dévoilé et les négociations concernant
la vente commenceraient. Meinas était devenu soupçonneux
et plutôt que d'apporter le manuel, il bourra sa serviette de journaux.
Sur les journaux il plaça le dessin d'un petit garçon tirant
la langue. A l'arrivée à l'hôtel, la serviette fut
vérifiée et on déjeuna. Tout le monde s'était
installé dans une ambiance très amicale et on commanda le
repas. On demanda à George et à son secrétaire
de choisir les plats et le vin les plus chers.
Au début
du repas l’hôte s'excusa, prétextant d’aller aux toilettes.
Quand il revint, il était d’une humeur détestable. Il incita
chacun à accélérer le déroulement du déjeuner,
ne commanda pas le vin, et annula la réunion de l'après-midi.
Évidemment il avait jeté un coup d’œil dans la serviette
de George et avait trouvé le dessin du garçon tirant la langue
! Il fallut un certain temps avant que des relations amicales soient à
nouveau établies. Lorsque tous le monde fut d’accord pour effectuer
une évaluation sur une base raisonnable, Meinas fut de nouveau invité
à assister à une réunion et à apporter le manuel
avec lui. Cette fois il apporta le manuel avec l'intention
de ne pas le laisser hors de sa vue. Le manuel fut présenté
pour être consulté et pour en établir l'authenticité.
Les choses se déroulaient d'une façon très amicale
et des boissons furent offertes. George accepta un verre et après
la première gorgée il comprit qu’il était malade.
La boisson avait été additionnée d’une drogue somnifère.
Quand George se réveilla, il été seul dans sa chambre
avec un terrible mal de tête et le manuel avait disparu. C'est de
cette façon que le manuel russe de conception des hydrofoils s’est
retrouvé aux Etats-Unis. Il a été transféré
aux services de la marine des USA pour l'évaluer et pour déterminer
sa valeur afin de payer George Meinas. Le manuel fut reconnu authentique
mais constitué d’un nombre d’informations et de données réduit.
Le système de foils décrit était essentiellement le
système qui plus tard apparut sur l’hydrofoil commercial RAKETA.
Une
grande partie de la technique de conception était fondée
sur l'effet de surface pour augmenter la stabilisation en altitude. En
fait, aucun essai ou information sur les tests n’était contenu dans
ce manuel. Après qu'un effort sincère ait été
fait par le personnel de la Navy et plusieurs autres experts afin d'en
fixer la valeur, il fut décidé que celle-ci était
équivalente à celle d’un bon manuel. Cette information
fut communiquée à Meinas et naturellement il fut amèrement
déçu. Quelques années plus tard, quand George
Meinas rencontra et reconnut l'auteur de la lettre d'évaluation,
George lui exprima sa déception de façon très expressive
! De retour au Chili, Helmut Kock et George continuèrent à
expérimenter sur des hydrofoils et développèrent une
méthode pour réaliser un bateau de sport soutenu par hydrofoils.
En 1955 tous deux décidèrent de se rendre aux Etats-Unis
pour construire et lancer sur le marché des bateaux hors-bord à
hydrofoils de 16 pieds. Ils se rendirent à Miami (Floride) et reçurent
le soutien financier de l'église locale Luthérienne.
Les constructions navales de Miami acceptèrent de leur fournir gratuitement
les locaux pour construire leur prototype. Le personnel du chantier naval
fut très impressionné par la compétence et le sérieux
que les deux amis montraient pour construire la coque et réaliser
les foils. Helmut Kock partit de blocs d'aluminium et, avec principalement
des outils à main, il transforma ces blocs en sections de foils.
Alors que les consignes données au personnel du chantier étaient
de ne pas se mêler ni de s’impliquer dans le projet, ils leur fut
difficile de ne pas aider les deux constructeurs dans leur travail. Les
constructions navales de Miami réalisèrent la transmission
du moteur hors-bord et louèrent pour eux un emplacement à
l'exposition nautique de Miami pour qu’ils puissent montrer leur hydrofoil.
Alors que la date d’ouverture du salon se rapprochait, plusieurs mécaniciens
et des ingénieurs du chantier offrirent d'aider sur leur heures
afin que le projet soit prêt pour l’ouverture de l'exposition. Ils
étaient pris par la persévérance et l'enthousiasme
de Meinas et Kock. Toutes les exposants devaient être prêts
sur les lieux de l'exposition à midi le jour précédant
l'ouverture de celle-ci. A mesure que la date de l’ouverture approchait
tout le monde s’affairait pour terminer les finitions et la peinture du
bateau afin qu’il soit prêt à être exposé.
Enfin aux alentours de minuit la nuit précédant le jour de
l’installation, l’hydrofoil de sport de 16 pieds fut terminé. Chacun
laissa échapper des soupirs d’épuisement et de soulagement.
Alors que chacun admirait le résultat , George Meinas déclara:
" maintenant
nous allons essayer le bateau ". Tout le monde fut interloqué.
Aucune force de persuasion, aucun argument ne pu le faire changer d'avis.
On insista pour que l'essai soit fait après l'exposition.
Mais George persista, déclarant qu'il ne n’exposerait pas un bateau
qui n'avait pas été essayé. Enfin le chantier naval,
à contrecœur, accepta de fournir l'appui logistique pour l'essai.
À environ 4 heures du matin, huit heures avant l’heure limite de
l'installation de l'exposition, à l'aube, le remorqueur du chantier
naval sortit du chantier pour se diriger vers la baie de Biscayne, remorquant
le nouvel hydrofoil tout scintillant. Helmut et George avaient convenu
que Meinas serait le pilote d'essai. Après une dernière
vérification la remorque de l’hydrofoil fut coupée et le
moteur mis en marche. Après un court élan flottant
sur sa carène, le bateau décolla et vola admirablement.
Les acclamations et les félicitations retentirent sur la baie.
Un certain nombre de décollages et de virages furent effectués
puis la décision fut prise de retourner au chantier naval et de
là à l'exposition. George décida de décoller
une dernière fois et mis le cap vers la rivière Miami et
le chantier naval. Lorsque l’hydrofoil passa près d’une des petites
îles de déchets à l'entrée de la rivière
Miami, il était sur ses foils ; le bateau prit un virage brutal
et percuta l'île! Le cœur lourd, toute l’équipe retira le
bateau de l'île et le remorqua vers le chantier naval. Une
rapide inspection montra qu’un guide du câble de direction avait
cassé. Les foils n’étaient apparemment pas touchés,
seule un peu de peinture sur la coque avait été éraflée.
Rentré dans l’atelier de peinture, on nettoya le bateau et on fit
des retouches de peinture. Le 16 pieds arriva dans le hall d’exposition
comme neuf à midi moins dix, juste avant la date limite !
On montra beaucoup d'intérêt pour l’hydrofoil de Meinas et
Kock. Des rendez-vous furent pris par tous ceux qui voulaient essayer
le bateau, investir dans le projet ou en acheter un. Plusieurs centaines
de rendez-vous furent pris pendant l'exposition. Tous ceux qui avaient
été impliqués dans l’entreprise pensaient que cette
exposition était un succès. Lorsque l'exposition fut terminée,
George déclara que pour l'exposition il n'avait pas voulu montrer
son dernier concept de foils. Maintenant Helmut et George allaient modifier
les foils selon ce concept. Les rendez-vous pour les essais et la
promotion du bateau seraient repoussés. Se remettant au travail,
ils modifièrent les foils. Lorsque les modifications furent terminées
ils essayèrent à nouveau. Mais le bateau ne vola pas comme
avant l'exposition. Ils entreprirent alors une série de modifications
mais les essais ne montrèrent pas d’amélioration des performances.
Le bateau ne fonctionna jamais aussi bien qu’il ne l’avait fait ce matin
mouvementé avant l’ouverture de l'exposition. Ne pouvant pas respecter
leurs engagements pour les rendez-vous d’essais, et le temps passant, leurs
appuis et leurs défenseurs perdirent patience. Les finances
de George s’épuisèrent, et ce fut une triste fin pour ce
nouveau projet d’hydrofoil. George Meinas disparut peu de temps après
et on n'en entendit plus parler. Plusieurs années après il
devint notoire que le vrai savoir-faire de talent au sujet de la conception
des hydrofoils était le fait d’Helmut Kock.
Remarque finale:
Cette histoire a été reconstituée à partir
d’informations recueillies sur de nombreuses années et provenant
de personnes qui ont connu George Meinas en Allemagne, en Russie, au Chili
et aux Etats-Unis. L'auteur fut un des acteurs de plusieurs des événements
décrits. |